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“Halima est une secrétaire en université à qui l’administration avait commencé par lui reprocher ses[...]En savoir plus ”
Voici la seconde partie de « Stokely Carmichael et la conscience culturelle des Black Panthers ». Pour lire la première partie, cliquez ici.
LA MANIPULATION HISTORIQUE
Stokely Carmichael attachait une grande importance à l’Histoire et considérait que celle-ci avait été rédigée d’un point de vue occidental qui sert les intérêts des puissances coloniales et embellit leurs occupations. Dans son discours de 1967, il dénonce l’impérialisme culturel et son lien avec la manipulation historique de l’Occident :
Vous avez été capable de mentir sur (le sens) des termes et cela vous a permis de décrire une personne telle que Cecil Rhodes ((Cecil Rhodes fut le Premier ministre de la colonie du Cap (de 1890 à 1896). Il fut un adepte ardent de l’impérialisme britannique qui, avec sa société la British South Africa Company (BSAC), occupa la partie d’Afrique australe que les colons appelèrent la Rhodésie (nommée après Cecil Rhodes) à partir de 1892.)) comme un “philanthrope” alors qu’en réalité il fut un assassin, un violeur, un pilleur et un voleur. Mais vous pouvez l’appeler philanthrope, car après avoir volé nos diamants et notre or, il nous a donné quelques miettes qui nous ont permis d’aller à l’école et de devenir justes comme vous. On nomme cela de la “philanthropie”. Mais aujourd’hui nous avons renommé la région (qui fut nommée d’après Cecil Rhodes) : l’endroit ne s’appelle plus Rhodésie, mais Zimbabwe, c’est ça son vrai nom ! Et Cecil Rhodes n’est plus décrit comme un philanthrope, mais comme un bandit.
Pour Stokely Carmichael, l’Occident réussit à travestir les faits historiques avec une terminologie trompeuse. Il estimait que la colonisation se fit sous couvert de faux slogans qui projetaient une meilleure vie pour les peuples colonisés :
C’est parce que l’homme blanc a toujours cru, d’une manière ou d’une autre, qu’il est supérieur aux autres, qu’il a utilisé sa force pour imposer sa culture là où il se rendait au tiers monde. Si une poignée de colons a quitté l’Angleterre pour aller au Zimbabwe, ce n’était pas une raison pour changer le nom du pays en Rhodésie, de le nommer après eux-mêmes et ensuite forcer tout le monde à y parler leur langue…
Une analogie peut ici être établie avec la colonie en Palestine que de nombreux musulmans nomment encore « Israël ». Le fait que de plus en plus de pays arabes appellent à une normalisation de l’occupation du peuple palestinien démontre à quel point les esprits ont été colonisés.
Abolir le nom que les sionistes ont donné à la Palestine fait incontestablement partie du processus de décolonisation qui permettra de prémunir les futures générations contre ce type de manipulations historiques et terminologiques de l’Occident.
LA DÉCOLONISATION DE L’HISTOIRE
Stokely a souvent insisté sur le fait que l’occidentalisation du tiers monde s’est faite par la force. Les peuples colonisés ont été forcés de baisser la tête devant un Occident bien plus puissant. D’après lui, « les peuples du tiers monde ne se sont pas soumis à la culture occidentale parce qu’ils aimaient Jésus Christ ou parce qu’ils trouvaient les Blancs si gentils ». Plutôt, ils ont accepté la culture des blancs par peur de leur terreur :
Avec son pouvoir, sa puissance militaire et ses armes, l’Occident s’est rendu en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux États-Unis. Les Occidentaux ont violé ces pays en utilisant des phrases séduisantes. Ils ont dit aux Indiens “Nous venons vous civiliser et nous allons domestiquer le Far West, et si vous refusez de vous civiliser, nous vous massacrerons.” L’Occident a ensuite commis des génocides, volé les terres et enfermé les Indiens dans des réserves tout en prétendant avoir civilisé le pays. Et malgré ça, ils n’étaient toujours pas satisfaits. Ils sont partis en Afrique et y ont enlevé des Noirs pour les envoyer aux États-Unis. Ils nous ont ramenés là-bas parce que pour eux nous étions des cannibales qui se mangeaient les uns les autres. L’homme blanc allait donc nous donner une meilleure vie, ce qui était bien entendu celle de l’esclavage.
Aux États-Unis, Stokely Carmichael fut l’un des premiers à établir un lien direct entre la colonisation et le racisme. Pour lutter contre le racisme, il fallait entamer un processus permettant aux Noirs de se décoloniser, et cela devait commencer par la décolonisation de l’histoire :
Les livres d’histoire (en Occident) nous apprennent que rien ne s’est passé (dans un pays quelconque) avant l’arrivée de l’homme blanc. Demandez-leur qui a découvert l’Amérique et ils diront Christophe Colomb. “Qui a découvert la Chine ?”, ils vous diront “Marco Polo”. Et on m’a dit que moi, qui suis originaire des Antilles, je n’ai été découvert que lorsque Sir Walter Raleigh avait besoin d’approvisionnements pour son navire. Il est venu chez nous et a dit : “Holà, je vous ai découvert !” Et c’est là qu’a débuté l’Histoire de mon pays.
La vision historique conçue en Occident avait largement contribué au sentiment de supériorité des blancs. Carmichael y détectait une forme de racisme par lequel on niait les accomplissements et l’existence historique des peuples non occidentaux :
Analysons l’aspect raciste qui se cache dans cette parole (de Walter Raleigh), analysons-la de façon détaillée. Colomb n’a pas découvert l’Amérique, il fut peut-être le premier homme blanc à s’y rendre, mais rien de plus. Il y avait des gens qui vivaient déjà en Amérique, mais malheureusement pour eux, ils n’étaient pas blancs. Le problème est que la société occidentale ne reconnait — consciemment ou non — jamais l’existence des peuples non blancs. Par conséquent, l’homme blanc donne l’impression qu’avant son arrivée dans le tiers monde, les gens n’y ont jamais rien accompli…
UN DÉNI D’IDENTITÉ, D’HISTOIRE ET DE CULTURE
La vision raciste de l’Amérique au XXe siècle est identique à celle des islamophobes français d’aujourd’hui pour qui l’histoire des pays musulmans a débuté avec la colonisation. De nombreux racistes antimusulmans en France dénoncent une prétendue islamisation des citoyens musulmans en s’exclamant qu’au « passé » — c.-à-d. durant ou juste après l’occupation coloniale — beaucoup de femmes ne se voilaient pas. Ils oublient, bien entendu, de mentionner que les colons et les dictateurs laïcs (imposés par ces premiers) persécutaient les femmes pour le port du voile. En occidentalisant les nations islamiques de force, ils ont perpétré un génocide culturel qui arrangeait bien l’Occident qui considérait l’ethnocide d’une grande partie du monde musulman comme tout à fait normal.
Une seconde implication est que les islamophobes nient toute l’histoire précoloniale des pays musulmans où les femmes ont toujours porté le voile sans que cela ne pose le moindre problème.
C’est ce mépris et ce déni historique qui expliquent pourquoi des individus comme Dounia Bouzar peuvent, sans la moindre contestation, déclarer que le niqab est « une invention des années 1930 ». Il s’agit d’un déni d’identité, d’histoire et de culture des peuples musulmans qui est largement relayé par les médias.
Un autre exemple est celui de Ghaleb Bencheikh qui éprouve une profonde nostalgie de l'Egypte britannique des années 1930-40. Le professeur de physique considère que le voile n’a rien d’islamique du fait que la fille de Sheikh Al-Azhar à l’époque n’était pas voilée. Bencheikh se réfère au passé colonial en citant deux penseurs arabes laïcisés qui, au service de l’Occident, ont propagé une version orientaliste de l’islam ((Le premier, Mansour Fahmi, a été interdit d’enseignement en Égypte après avoir insulté le Prophète ﷺ. Le second est Taha Hussein, le ministre de l’Éducation sous le dictateur communiste Gamal Abdel Nasser. Hussein était connu pour dénigrer le Coran et pour transformer les écoles coraniques en écoles séculières. Il a déclaré que « l’Égypte progressera uniquement si elle se réapproprie ses anciennes racines préislamiques ». Les savants d’Al Azhar ont sévèrement condamné les actes hérétiques de Hussein.)). Il semble ignorer que durant 74 années (de 1882 à 1956), les colons britanniques ont « réformé » l’Égypte en y instaurant un islam colonial qui a justement produit ces « oulémas laïques ».
Dounia Bouzar et Ghaleb Bencheikh parlent du « passé islamique » comme si avant l’ère coloniale l’islam n’avait pas d’histoire, pas de savants et pas encore de prophète. Leur référence n’est pas l’islam du Messager Mohammed ﷺ, mais bien celui de Snouck Hurgronje et Evelyn Baring (Lord Cromer), les deux architectes de l’islam colonial.
Aujourd’hui, les musulmans de France font le même constat que Stokely il y a plus de cinquante ans : pour leurs détracteurs, la norme dans les sociétés islamiques est celle imposée par le colonisateur après l’invasion des troupes coloniales. Ce n’est que là que commence l’histoire des musulmans. C’est pour cela que la décolonisation de l’histoire constitue également un défi majeur pour les musulmans d’Europe…
À suivre…
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