Questions-Réponses avec les lecteurs d’un journal hollandais (3e partie)

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“Halima est une secrétaire en université à qui l’administration avait commencé par lui reprocher ses[...]En savoir plus ”

Dans cette troisième partie des questions-réponses, le débat porte sur la conception erronée de la musulmane opprimée, la propagande islamophobe, la peine de mort et l’importance de distinguer l’islam des musulmans

LA FEMME MUSULMANE OPPRIMÉE

Marie-Thérèse van de Kamp (spécialiste en théorie d’art) : Il est difficile d’accepter que les femmes ne soient pas opprimées. Je pense aux droits des femmes en Arabie saoudite, le droit à l’éducation (en Afghanistan, par exemple), le droit de vote, etc.

Kareem El Hidjaazi (K.H.) : Voici à nouveau cette image typique des femmes musulmanes qui insinue qu’elles seraient opprimées par leur voile. À ce jour, il est toujours inconcevable pour beaucoup d’Occidentaux que d’autres peuples qui vivent et pensent différemment puissent être heureux. Si la femme était vraiment opprimée en islam, comment expliquez-vous que la grande majorité des personnes qui se convertissent sont des femmes ?

J’ai une simple question pour vous : avez-vous déjà parlé à des femmes afghanes ou saoudiennes ? Leur avez-vous déjà demandé si elles se sentaient opprimées ? Ou est-ce que vous vous basez uniquement sur ce que disent les médias occidentaux ?

Dans la religion musulmane, l’éducation est une obligation, comme cela a été enseigné par le Prophète ﷺ. Si un pays ne se conforme pas à cette obligation, il ne représente que lui-même et non pas l’islam. En ce sens, on peut dire de la même manière qu’un citoyen occidental qui ne respecte pas les lois démocratiques n’est pas représentatif du système occidental.

En ce qui concerne le droit de vote, il faut savoir que les musulmans ont une manière différente de choisir un dirigeant (choura). Ce n’est pas parce que le droit de vote en Occident fonctionne que c’est automatiquement le cas pour tous les autres peuples dans le monde qui, rappelons-le, ont une culture différente, d’autres convictions et un autre passé.

Halbe Hibma (professeure de physique) : Je suppose qu’il est important pour les salafistes que la femme soit voilée, et j’entends par là le port de la burka en public. Est-ce correct ?

K.H. : Le niqab (voile intégral) fait partie de notre religion selon le consensus des érudits musulmans. Il y a cependant une différence d’opinions concernant son statut. La majorité des érudits considère qu’il est conseillé (moustahab ou sounna). C’est l’avis des imams al-Shâfi’i, Mâlik et Abou Hanîfa. Une minorité considère qu’il est obligatoire (wâdjib).

Maintenant, les médias occidentaux taxent toutes les pratiques musulmanes qui ne sont pas conformes aux valeurs occidentales de « salafistes », « radicales », « fondamentalistes », « intégristes » ou « wahhabites ». Pourtant, il s’agit de pratiques qui ont toujours existé dans le monde musulman et qui sont tout à fait normales pour le musulman qui connait un minimum sa religion.

UNE PROPAGANDE QUI AVEUGLE

Arnout Jaspers (journaliste scientifique) : Ne croyez-vous pas que les femmes du monde arabe (pas toutes, mais une grande partie) aspirent sincèrement à plus d’autodétermination et à plus d’égalité ?

K.H. : Je vis depuis 17 ans dans le monde arabe. J’ai vécu au Yémen, en Égypte, en Arabie saoudite, au Maroc et un peu en Palestine. Je n’ai jamais vu ces femmes opprimées que les médias occidentaux nous présentent. Pourquoi ? Parce qu’elles ne sont qu’une petite minorité à qui on donne la parole pour l’unique raison qu’elles confirment votre image du monde musulman.

Avez-vous déjà parlé à des femmes musulmanes dans le monde arabe ? Les avez-vous déjà écoutées ? Croyez-le ou non : ce n’est pas tout le monde qui souhaite vivre selon vos valeurs. En effet, la plupart des femmes mènent une vie tout à fait normale, sont heureuses et ne rêvent pas d’acquérir de vos « libertés ».

Arnout Jaspers : Donc d’après vous, sur base de vos 17 années d’expérience dans ces pays, il n’y aurait qu’une petite minorité de femmes dans le monde arabe qui se sente opprimée.

Je ne peux bien entendu rien répondre quant à votre expérience dans le monde arabe, mais je peux lire et écouter. J’ai lu des livres de femmes qui ont raconté leur vie dans ces pays. Il y a des journalistes et des scientifiques hollandais qui parlent couramment l’arabe et qui y travaillent depuis des années. Il y a une image très différente qui ressort de leurs ouvrages.

K.H. : Imaginez-vous qu’un journaliste égyptien vienne aux Pays-Bas pour interroger des prostituées qui sont victimes d’abus. Il rédige des livres à leur sujet, il les présente comme la femme type et ne mentionne rien sur les autres femmes hollandaises qui ne sont pas des prostituées. Imaginez-vous que cette vision négative (et erronée) des femmes néerlandaises soit omniprésente dans le monde arabe et que les livres sur ce sujet se vendent comme des petits pains. Résultat : le public arabe reçoit une image globale de la femme néerlandaise qui est entièrement faussée.

Les journalistes et scientifiques néerlandais dont vous parlez recherchent justement les femmes qui confirment cette fausse image de la musulmane opprimée. Ils auraient aussi bien pu interroger plusieurs milliers de femmes qui auraient dit qu’elles sont heureuses, qu’elles aiment leur religion et maintiennent leurs valeurs islamiques. Le problème est qu’une image positive de la musulmane non occidentalisée ne se vendra jamais en Occident. 

DISTINGUER L’ISLAM DES MUSULMANS

Arnout Jaspers : Je me souviens d’une remarque aléatoire d’un journaliste qui faisait régulièrement la navette entre l’Arabie saoudite et l’Europe : dès que l’avion décollait de la piste de Riad, les femmes enlevaient toutes leurs voiles.

K.H. : J’ai moi aussi vécu en Arabie et ce qu’a dit ce journaliste est en effet vrai. Mais pourquoi ? Parce que seules les femmes occidentalisées se rendent en Europe pour faire leur shopping. À nouveau, il s’agit d’une minorité. Vous n’allez pas juger tout un peuple selon les comportements de femmes dans un avion. N’oubliez pas que dans ce pays, la grande majorité des femmes ne se rendent jamais en Europe.

Maintenant, je vois que vous vous souciez de ces femmes riches qui enlèvent leur voile lorsqu’elles voyagent en Occident. Mais êtes-vous également préoccupé par les milliers de filles qui, en Belgique et en France, doivent retirer leur voile à la porte de l’école parce qu’autrement, elles sont privées d’éducation ? Êtes-vous également préoccupé par les femmes qui se voient infliger une amende dans ces deux pays si elles sortent en niqab ?

Arnout Jaspers : Mais que pensez-vous de ce qu’il se passe dans la réalité ? Pensez-vous vraiment que la majorité des femmes soient d’accord avec la situation qu’elles subissent : leur virginité est gardée de manière fanatique jusqu’au mariage par les membres masculins de la famille, alors que ces mêmes membres masculins de la famille sont autorisés à faire ce qu’ils veulent avec des femmes « indignes » ?

K.H. : En islam, maintenir sa virginité est aussi obligatoire pour les hommes que pour les femmes. En cas d’adultère ou fornication, l’homme reçoit exactement la même peine que la femme. Mais comme les médias doivent maintenir l’image de la musulmane opprimée, ils prétendent que ces peines ne s’appliquent qu’aux femmes. Il est dommage que cela n’ait jamais été mentionné par les journalistes et scientifiques néerlandais que vous lisez.

Et lorsque vous dites « dans la réalité », de quel pays parlez-vous ? Des Pays-Bas ? Et même si ce que vous dites était vrai, cela ne veut nullement dire qu’il en est ainsi dans le reste du monde.

Comprenez que les musulmans sont jugés selon l’islam et non l’islam selon les agissements des musulmans. Si des accidents de voiture se produisent aux Pays-Bas dans la circulation, vous n’allez jamais dire que c’est la faute du Code de la route. Plutôt, vous allez blâmer les personnes qui ont trop bu ou qui ont conduit trop vite. De la même manière, il faut distinguer les musulmans de l’islam et toujours voir si leurs actes personnels sont en accord avec les enseignements de l’islam en tant que religion. Ce que préconise l’islam n’est pas toujours ce que font les musulmans.

LA PEINE DE MORT

Arnout Jaspers : Je peux comprendre que tout le monde ne souhaite pas vivre selon vos valeurs, et cela ne me dérange pas. Mais vous semblez penser que cela justifie le fait que l’on impose ces valeurs à l’ensemble de la population, allant jusqu’à la peine de mort, dans les pays où c’est la morale qui prévaut. Et ça, c’est une chose qui est fondamentalement inacceptable.

K.H. : Mais n’est-ce pas exactement ce que vous faites ? Vous souhaitez imposer vos valeurs dans le monde musulman sous couvert d’universalisme. C’est d’ailleurs exactement ce que faisaient les colons qui menaient une « mission civilisatrice » dans nos pays. Ils pensaient que leur civilisation était supérieure aux autres et allaient donc occuper d’autres terres et massacrer d’autres peuples. Tout ça au nom de la civilisation, alors que les vrais sauvages étaient justement les colons européens. 

Aujourd’hui, rien n’a changé : votre « mission civilisatrice » continue de ravager notre monde. Au passé, cela se faisait au nom de la religion (les croisades) et la civilisation (la colonisation). Aujourd’hui, cette même mission se poursuit au nom de la culture et de la démocratie. Et dans cent ans, quelle sera la raison de votre agression ? En avez-vous une idée ?

En ce qui concerne la peine de mort, il faut savoir que celle-ci était acceptable pour vous dans le monde musulman lorsque vous décapitiez encore les criminels en Europe. Maintenant que vous ne le faites plus, le monde entier doit s’incliner et vous suivre. Comme si vos lois se valent toujours en dehors de vos frontières. C’est comme si vous étiez toujours dépositaire d’une vérité qui ne cesse de changer.

Imaginez-vous, il y a cent ans lorsque la peine de mort était encore appliquée aux Pays-Bas, qu’un pays étranger à l’autre bout du monde vous avait dit de l’abolir sous prétexte que cela ne fait pas partie de ses valeurs. Comment auriez-vous réagi ? Vous ne l’auriez jamais accepté et vous seriez offusqué d’une telle arrogante demande. Pourquoi attendez-vous alors d’autres pays à l’autre bout du monde qu’ils l’acceptent de vous ?

Maintenant, supposons que la peine de mort soit réintroduite en Europe d’ici cent ans. Serait-il alors acceptable que nous l’appliquions à nouveau dans nos pays ?

À suivre....

>> Lire les autres extraits du débat 


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Chercheur à l'Observatoire des Islamologues de France

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