Les nazis, les islamophobes et la fabrication de l’« ennemi interieur »

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“Halima est une secrétaire en université à qui l’administration avait commencé par lui reprocher ses[...]Ensavoir plus ”

En Allemagne, durant les années 1930, le ministère de la Propagande nazie (le ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande) contrôlait l’ensemble du secteur culturel et des médias en s’assurant qu’ils soient entièrement au service de l’endoctrinement d’État. L’idéologie était fondée sur une échelle des races où les Juifs, les Tsiganes et les Afro- Allemands étaient classés tout en bas. Un peu plus en haut de l’échelle se trouvaient les Slaves, les Méditerranéens et les témoins de Jéhovah. Tous étaient désignés comme faisant partie de l’ennemi et étaient dès lors exclus du concept de la « communauté nationale »

Définir un « groupe cohésif » a permis aux nazis, dans un second temps, de clairement désigner l’ennemi à abattre. Depuis l’école primaire, on enseignait aux enfants comment distinguer le Juif du non-Juif. À travers une série d’histoires, on voulait éduquer les enfants sur la réalité du peuple juif. À titre d’exemple, le deuxième chapitre du manuel scolaire de 1938 Le Champignon Vénéneux ; un livre SS pour jeunes et adultes s’intitule « Comment reconnaître un Juif ? » et contient l’image d’une classe de 7e où l’instituteur enseigne le « danger juif » aux écoliers.

ns le chapitre ‘Comment reconnaître un Juif ?’ du manuel scolaire nazi Le Champignon Vénéneux, on enseigne quels sont les signes par lesquels on reconnaît le Juif. En 2018, Valeurs Actuelles explique dans un dessin quels sont les “signes particuliers” par lesquels on reconnaît le ‘salafiste’.

Sur le tableau sont dessinés les signes permettant de reconnaître le Juif : nez crochu, lèvres charnues, sourcils généralement plus épais, jambes courtes, étoile de David... On y explique qu’il est possible de voir dans les yeux du Juif qu’il s’agit d’une personne fausse et sournoise ((Aujourd’hui, dans les collèges de la République, des experts autoproclamés de l’islam mènent une campagne pour inculquer aux enfants que les nouveaux ennemis de l’intérieur sont les musulmans pratiquants. On désigne l’ennemi et expliquant les signes qui permettent de les reconnaître (on parle de djilbab, on dit qu’ils changent de prénom...). L’endoctrinement a pour objectif de faire passer de simples pratiques religieuses pour des signes de radicalisation. Lorsque des personnes incultes et totalement incompétentes se chargent de la lutte contre la radicalisation, tout musulman pratiquant est forcément présenté comme un terroriste endoctriné. Plus aucune nuance n’est faite et des stéréotypes islamophobes deviennent des faits réels dans les esprits. Les écoliers n’en retiennent qu’une seule chose : en plus d’être radicalisés, les musulmans pratiquants sont aussi de potentiels terroristes. En savoir plus...)). Le site Holocaust Encyclopedia consacre d’ailleurs plusieurs recherches à cette phase cruciale de la propagande nazie qu’il décrit par defining the enemy (désigner l’ennemi).

« UN AUTRE PEUPLE QUI SE CONSTITUE AU SEIN DE LA NATION FRANÇAISE »

Une fois l’ennemi défini, il est accusé de vouloir créer une contre-société. Dans les années 1930, les juifs sont décrits comme des ennemis de l’intérieur voulant instaurer une société parallèle. Largement exploitée, la construction médiatique de cet « ennemi qui se trouve dans nos rangs » faisait les unes des journaux allemands. 

En France, les musulmans subissent actuellement une campagne de diabolisation très similaire. Plusieurs médias et politiques tiennent des propos à leur encontre qui sont précisément ceux propagés par les protagonistes de la fachosphère qui eux, consciemment ou non, se servent d’expressions issues de la propagande fasciste des années 1930

Dans les années 1930, les nazis parlaient du « péril juif » et décrivaient les juifs comme un ennemi intérieur voulant instaurer une société parallèle. En 2018, ‘Valeurs Actuelles’ parle de « contagion salafiste » et titre à sa Une « révélations sur nos ennemis de l’intérieur ».

Le concept d’ennemi intérieur est ainsi repris par Georges Bensoussan qui évoque « la présence d’un autre peuple qui se constitue au sein de la nation française ». Dans le fameux éditorial du Figaro, on s’alarme du développement d’une « contre-société salafiste » en inculquant au lecteur que « l’ennemi de l’intérieur », dû à sa visibilité, « ne se cache plus ». À nouveau, la visibilité musulmane est présentée comme une menace à la survie de la société française.

On se souvient également de la fameuse couverture du magazine Valeurs actuelles affichant un musulman barbu sous le titre « La contagion salafiste, révélations sur nos ennemis de l’intérieur ». Dans l’article en question, pour designer l’ennemi, le magazine publie le dessin d’un couple de musulmans pratiquants accompagné d’une description détaillée de leur tenue et leur physique. En 1938, les manuels scolaires allemands contenaient ce même type de descriptions dénigrantes. On y trouvait des dessins illustrant les signes par lesquels on pouvait reconnaitre le juif ((Voir « ‘Comment reconnaître un juif en 1938 ?’ vs ‘Comment reconnaître un musulman en 2018 ?’ »))

Sur la scène politique, c’est Manuel Valls qui a pris les devants pour « désigner l’ennemi », en pointant du doigt les musulmans pratiquants. Le 28 mars 2018, sur les ondes de RTL, le Catalan déclare qu’« il faut avant tout clairement désigner l’ennemi : c’est l’islamisme, le salafisme ».

GILLES KEPEL ET LA PURETÉ CULTURELLE

En 1889, l’affiche du candidat antisémite Adolphe Willette titrait « Le judaïsme voilà l’ennemi ! ». En 2017, dans une interview avec le Figaro, le candidat islamophobe Manuel Valls s’exclame « L’islamisme voilà l’ennemi ! »

Les islamologues de France véhiculent également le même message de propagande, mais de manière bien plus habile. Dans une première étape, ils expliquent que le musulman pratiquant rejette la « raison humaine » et serait, du fait de son refus d’acculturation, en « rébellion contre les valeurs de l’Occident ». En islam, les femmes seraient considérées comme inférieures ou choisiraient de l’être comme certains esclaves américains. Les expressions de l’identité musulmane sont alors conçues comme une menace permanente qui, au nom de la préservation de la laïcité, doit être combattue.

Dans la deuxième étape, les « experts de l’islam » expliquent que le terrorisme est intrinsèquement lié à la culture musulmane et que tout musulman qui ne rejette pas sa culture est un terroriste potentiel((Voir « Gilles Kepel, l’Héritage d’un Racisme Colonial ».)). Le lecteur naïf ne peut que conclure que tous les musulmans pratiquant ouvertement leur religion sont des « ennemis intérieurs »

Cette manière de lier la visibilité musulmane aux attentats terroristes a tellement bien fonctionné que le gouvernement français peut aujourd’hui s’en prendre aux mosquées et aux écoles musulmanes en toute impunité. Sous couvert d’une lutte contre la radicalisation, les autorités ont récemment fermé les mosquées d’imams connus pour dénoncer le terrorisme. Macron a déclaré vouloir contrôler davantage le financement des écoles privées musulmanes. 

Or, les attentats en France ont été perpétrés par des terroristes qui n’ont jamais mis un pied dans une école privée musulmane. Ils étaient tous issus de l’école laïque et ont, pour beaucoup, été éduqués dans les foyers par les services sociaux de la République. Ils ne fréquentaient pas, ou à peine, la mosquée. C’est bien le lien établi par certains islamologues entre la visibilité musulmane et le terrorisme qui permet aujourd’hui au gouvernement d’infliger une punition collective aux membres visibles de la communauté musulmane.

Le pamphlet antisémite « La France juive » (1886) était un ouvrage fondateur de l’antisémitisme contemporain. En 2015, le Figaro Magazine reprend l’idée d’un ennemi intérieur qui occupe le pays en titrant à sa Une: « Cette France abandonnée aux islamistes ». La « France juive » devient une « France islamiste ».

La doctrine qui criminalise la visibilité musulmane est pleinement développée dans les ouvrages de Gilles Kepel qui est le théoricien français le plus influant de la pureté culturelle. Ses thèses islamophobes ne sont pas seulement reprises par les médias, elles sont aussi diffusées au plus haut niveau de l’État((Dans sa lutte contre les musulmans pratiquants, Jean-Pierre Chevènement ne cesse de citer les thèses absurdes de Kepel.)). 

Plusieurs journalistes et politiques français, sans même s’en rendre compte, appliquent donc des méthodes de propagande nazie qui ont précédé la « solution finale ». 

En identifiant publiquement la minorité musulmane par des stéréotypes, ils incitent à la haine et préparent de nouvelles mesures discriminatoires à leur encontre. Les valeurs des journaux et magazines islamophobes ne sont donc pas « actuelles » comme certains le prétendent. Plutôt, elles datent des années 1930 où elles étaient nécessaires pour banaliser l’antisémitisme et puis, pour justifier le génocide. 

Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets...

(Extrait de l'Ebook "Le Figaro – De l’islamophobie ordinaire à la propagande nazie" )


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Chercheur à l'Observatoire des Islamologues de France

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